Témoignage d’une maman endeuillée en 1999

Les deux seules photos qui m’ont été remises par la maternité sont 2 polaroïds flous, sans lumière, 2 clichés que je n’ai jamais osé montrer, ni à ma famille, ni à mes amis, ni à mes autres enfants. Je n’ai vu ma fille que brièvement à sa naissance, mais les souvenirs s’effacent avec le temps. Et puis, j’étais en état de choc, et je pense que ma mémoire a mal gravé cette image, voire pas du tout. Aujourd’hui, je n’ai plus aucun souvenir mémoriel du visage de ma fille. Il ne me reste comme trace tangible et palpable de son passage sur terre que ces deux clichés. Ils ne m’ont pas suffi et ils ne me suffisent pas, autant d’années après, à faire mon deuil correctement. Ils ne m’ont pas non plus permis de montrer – prouver devrais-je dire – au monde que cet enfant avait bel et bien existé ; et donc par là même de prouver aux autres que ma souffrance était bien réelle.

J’ai vécu ce deuil comme un événement dramatique. Mon entourage l’a vécu comme un non-événement. Si j’avais eu des photos à partager, je pense que j’aurais pu faire comprendre à mon entourage à quel point ma douleur était concrète et incontestable… Aujourd’hui, je souhaite(rais) que plus aucun parent endeuillé n’ait comme seul souvenir de son enfant des photos comme les miennes. Leur douleur est incommensurable et il faut tout faire pour aider leur chemin de deuil. Leur offrir des photographies de qualité y contribuera j’en suis certaine !